L'ennui pour le designer-graphiste-polygraphe-peuimporte n'est pas tant que ses propositions soient conformes à ce que le client en attend, mais bien d'en expliquer le sens.
Pourquoi cette forme?
Pourquoi cette couleur?
Pourquoi cette typographie?
C'est quoi, une typographie?
Afin de me rendre la tâche plus agréable, je vais laisser libre cours à mon imagination et subjectivement exposer la raison pour laquelle le logo du IHC Aire-la-Ville est ce qu'il est aujourd'hui. J'espère le lecteur assez malin et dérangé pour en tirer satisfaction. Avertissement: rangez votre bon sens, le texte suivant en contient bien moins qu'un minimum.
J'avais sorti pour l'occasion une époustouflante paire de Nike grises et vertes. Une de celles qui furent à la mode, puis démodées. Puis à la mode. À la mienne, de toute évidence. L'air était glacial et les brins d'herbes du modeste terrain de football, blanchis par le givre, craquaient sous ces stars des nineties, années des Rasta Rockets, de Pingu, du Prince de Bel-Air et des nombrils à l'air. Je n'étais qu'à un grillage de la piste, celle où se produisent les virtuoses sur lignes. Quatre roues qui s'échauffent au contact de l'asphalte. Tant d'échos retentissaient dans le creux des oreilles que j'ai bien failli ne pas l'entendre, lui. Il s'en est fallu de peu pour que je manque l'une de ces rencontres qui n'arrivent qu'une fois dans une vie. Ou dans sept vies, tout est question de convictions.
CN:" -… beaucoup de bruit, non?
SD: - Pardon?
CN: - J'imagine que c'est le tout qui fait autant de bruit, you know. Les patins, les cannes et la masse des joueurs fracassée contre les parois.
SD: - Mmh.
CN: - Après, ça n'est de loin pas aussi bruyant que de se balader sur la blanche carcasse d'un avion en plein vol. (Note de l'auteur: là j'avoue, j'invente. Son anglicisme maternel ne lui permettait en aucun cas d'utiliser ce genre de vocabulaire avancé. Oui, malgré sa toute-puissance.) Qu'est-ce que vous écrivez, dans votre carnet bleu?
SD: - Je note quelques mots-clés sur l'atmosphère, l'ambiance; et je fais des croquis. On m'a proposé de faire le nouveau logo du IHC.
CN: - Intéressant. Je verrais bien une asperge comme emblème.
SD: - Ah."
C'est ainsi que s'acheva ma rencontre avec Carlos Ray Norris, dit Chuck Norris. Il me servit une excuse étrange mettant en scène une montagne japonaise qu'il devait déplacer afin de permettre aux vents du Nord de faciliter la liaison aérienne Tokyo-Abu Dhabi. Ou quelque chose dans le genre. Cet échange laissait à penser que Chuck faisait piètre designer-graphiste-polygraphe-peuimporte. Que nenni..
Ce n'est que quelques heures plus tard que je m'aperçu de la présence de cette lettre dans le fond de ma poche. Il avait choisi un papier un peu jauni qui, traversé par la lumière, laissait deviner une image en filigrane à son effigie. Voici ses mots.
"Chers joueurs, chers fans, chers fidèles,
Je suis venu, j'ai vu, et je suis reparti, le coeur content.
Vous êtes plus nombreux que la famille Camden, plus beaux que les frères Hanson, plus volontaires que la Team Gandalf, plus doués que les Spice Girls, plus vifs que les Tortues Ninja et plus musclés que dix Schwarzy réunis. Vous êtes une famille dont je décide maintenant de faire partie."
Non, Chuck Norris ne signe pas ses courriers. On sait naturellement que ça vient de lui. Par ailleurs, de l'autre côté de la lettre, il avait ajouté une note sur le nouveau terrain: "Chuck Norris Approved." Il avait également réservé un paragraphe à l'élaboration du logo.
"J'ai repensé à votre histoire de gribouillage. Je vous suggère d'inclure les initiales ALV (comme Aire-la-Ville, vous aviez compris?) dans un double cercle, ça fait très club sportif. Ajoutez les couleurs et un élément du blason aérien; la fleur de lys, par exemple. Si une canne de hockey pouvait se deviner quelque part, je pense que ça ferait son petit effet. (Note de l'auteur: j'invente encore avec "son petit effet".) Et puis oubliez vos asperges; ça sent mauvais."
De toutes mes rencontres, celle-ci fut bien la plus absurde et enrichissante. Je vois aujourd'hui cette équipe autrement.
Elle était pour moi un amas réjouissant de testostérone bienheureuse.
Elle est maintenant une galaxie infinie à la croisée des regards où l'être humain est frère et ses pieds roulettes.
Sarah D. clean depuis 180 jours
© 2024 - IHC Aire-la-Ville - All Rights Reserved